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Pensées du jour
5 octobre 2009

Les souvenirs restent

Je vous ai déjà fait part de la vie (cruelle en partie) de mon grand-père :

mi-orphelin et de père allemand (il est né en 1917) (sa mère biologique n'a jamais voulu signer les papiers pour qu'il soit adopté par une famille qui l'aimait... et elle l'a "récupéré" à 14 ans, en âge de travailler)

Malgré-nous : c'est-à-dire, pour tous ceux qui ne savent pas, qu'il a été incorporé de force dans l'armée allemande en 1940 parce qu'il état alsacien. Hitler ayant annexé cette région, les hommes en âge de combattre -ou pas - étaient envoyés sur le font (russe en général) pour combattre dans le froid glacial des ennemis que eux considéraient plus comme des "amis". Les tranchés, les bombes, la mort de ses amis à quelques mètres de lui, il fallait, pour s'en sortir, riposter aux balles, tuer des soldats qui voulaient -au moins au départ- libérer l'Europe.

Fait prisonnier par les Russes et mit dans les camps de concentration qui venaient d'être libérés, il s'est sauvé, 2 fois et a finit par revenir dans sa terre natale... pour annoncer aux parents de ses copains qu'ils étaient en route pour rentrer... ou morts; pour voir aussi que Madame sa mère avait vendu son vélo et son transistor pour ... s'en sortir ? ou parce qu'elle pensait qu'il ne reviendrait pas ?

Il est rentré aussi pour rencontrer la belle jeune fille que son meilleur copain lui montrait en photo : cette fameuse soeur du meilleur copain - dont il a rêvé pendant des mois dans sa tranchée - est devenue sa femme et lui a fait trois (merveilleux) enfants...

Le reste n'est qu'une vie ordinaire, mias peut-on vraiment dire qu'après tout ce début de vie, une vie ordinaire existe ?

Quand la petite histoire se mêle à la grande, celle qu'on apprend dans les livres à l'école, quand les petites histoires humanisent l'Histoire avec un grand H, il faut l'entendre et même l'apprivoiser. Ces histoires reflètent la difficulté de ces temps, la difficulté de la vie à cette époque.

Aujourd'hui dans d'autres contrées, plus lointaine, des petites histoires semblables se mêlent à l'Histoire que nos enfants apprendront - ou pas ? - dans leurs livres d'Histoire.

Mais raconter, ressasser les souvenirs, se rappeller des gens chers qui ont disparu est une réelle épreuve pour ces personnes d'âges mûr. Les Saisons d'Alsace n°41 de septembre 2009, m'ont fait réaliser que si j'avais tout immortalisé pour mon grand-père, il me restait encore une grand-mère en vie et que par son histoire, je pourrais comprendre l'autre facette de la guerre ...

La déportation : pas celle dans les camps, celle qui a obligé tous les alsaciens vivant à côté de la frontière allemande (celle d'avant 40 qui est la même qu'aujourd'hui) à partir dans le sud-ouest. Les chariots étaient plein pour partir, tous les trésors, tous les souvenirs, tous les objets de valeurs ont été mis dans une charrette pour arriver au train et s'entendre dire : laisser tout ici.

Les femmes, les enfants, les hommes - ceux qui restaient - avaient pour seuls habbits en arrivant sur place ce qu'ils portaient sur eux le jour du départ. Le reste des affaires est resté sur la quai de la gare, les souvenirs avec. Certains ont camouflé leurs affaires chez eux, mais les maisons ont été pillés par les soldats allemands je suppose, les bestiaux tués pour manger, les maisons ravagés.

Il me tarde aujourd'hui de connaître l'entière vérité de la vie de ma grand-mère (la fameuse Mamie des courses si vous vous souvenez). Il me tarde de prendre note de toute cette histoire pour que plus tard je puisse la raconter à mes enfants pour qu'ils connaissent la vie tumultueuse de nos aînés. Qu'ils comprennent aussi peut-être que celà leur parait loin, comme à moi, mais que finalement, ce ne l'est pas temps que ça. Mon père, né en 1948 a vécu lui aussi l'après-guerre.

Mais voila, comment entamer la discution avec cette Mamie courage qui vit seule depuis plus de 30 ans ? Comment entamer cette discution pour lui dire, "je vais tout écrire parce que j'ai besoin de le raconter à mes enfants"? Quand je l'ai fait avec mon grand-père - il avait à l'époque 88 ans et encore tous ses ésprits - il n'en a pas dormi pendant des jours et m'a demandé si c'est parce qu'il allait bientôt mourir.

Ressassé le passé, est ce une bonne idée ? Est ce qu'elle ne va pas être trop chamboulé ? Mais cette histoire qui me touche parce que c'est celle de Mamie d'Enfer, doit aussi être révélé, plus tard, à mes cousins et cousines qui ne sont peut-être pas encore en âge de comprendre très bien tout ça. Ils ont besoin eux-aussi de comprendre la vie qu'a mené leur grand-mère, du moins je le pense.

J'ai cette chance inouïe d'être très proche d'elle, est ce que je dois en profiter pour lui demander ça? une copine me dirait : question d'ethique, c'est à toi de choisir... mais je pense que c'est lui rendre hommage que de s'interresser à son passé... celui dont elle ne veut pas parler (parce que ah oui! l'accident de bicyclette avec celui qui deviendra son mari, celle là je la connais par coeur !!)

Mamie du coeur, Mamie tyrannique, Mamie fortiche, Mamie chérie, Mamie courage... cette Mamie là est un élément clé de ma vie et je lui dois d'immortaliser sa vie à elle aussi, avant qu'il ne soit trop tard... Si quelqu'un sait comment lancé la discution, ne vous gênez pas pour me donner des conseils !

A Marieswiss : cette Mamie me fait penser à cette petite dame dont tu masses les pieds. Je fais quelques petites choses pour Mamie (les courses, la pharmacie, cueillir les framboises quand elle n'est pas là, l'écouter parler, la soutenir quand elle va chez le médecin...) je le fais parce que je l'aime et que je pense que c'est aussi mon devoir. Mais elle me tend régulièrement un petit billet "pour l'essence" dit-elle. J'ai essayé de refuser à plusieurs reprises et j'ai vu son air triste et énervé à la fois parce qu'elle considère elle-aussi que je prends de mon temps pour elle (ce qui est normal pour moi encore une fois)... alors aujourd'hui, j'accèpte ses petits billets ou ses gâteaux, ou ses fruits, ou ses petits plats parce que je sais que autant que ça me fait plaisir de lui filer un coup de main au quotidien, ça lui fait plaisir de se dire qu'elle participe - à sa manière - à mon quotidien... 

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Commentaires
M
N'hésites pas à te mettre autour d'une tisane , d'un thé ou d'un café (ce qu'elle aime bien) pour créer une chaude ambiance et de façon informelle, tu lui poses quelques questions. Tu vas être captivée et elle va surenchérir. Tu sauras lui dire un grand merci avec ton beau sourire en lui demandant si elle veut bien passer un nouveau moment car c'était un grand et beau moment pour toi. Elle sera valorisée.. de plus elle est tellement adorable.
M
C'est vrai que cela pose plein de questions. D'autant qu'ils ont toujours eu la notion de travailler pour obtenir quelque chose alors que nous avons envie de leur donner un peu de plaisir. On n'est donc pas complètement sur la même longueur d'onde.
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